Bernard Chevallier, historien au service de la passion Joséphine, est décédé à 80 ans (2024)

DISPARITION - Le spécialiste de l’Empire, ancien conservateur en chef et directeur du musée de Malmaison, laisse par ses écrits et expositions, une œuvre majeure sur ce siècle.

Toute sa vie, Bernard Chevallier voua un amour fou à Joséphine, la belle créole à l’esprit moderne qui fit chavirer le cœur de Napoléon. Connu et apprécié de tous, notamment de la Fondation Napoléon qui lui a rendu un brillant hommage, l’historien de l'art et conservateur général honoraire du Patrimoine est décédé le 10 juin, à l'âge de 80 ans, fauché par une voiture dans les rues de Paris. Il avait consacré de nombreuses biographies, catalogues et éditions critiques à celle qu'il qualifiait toujours - paraphrasant Napoléon - de «douce et incomparable», titre d'un de ses remarquables ouvrages, paru en 1999.

Parce que Joséphine fut la bonne étoile de Napoléon, il s’intéressa inévitablement à l’Empereur. Jusqu’à se voir nommé co-commissaire de l’exposition blockbuster Napoléon à la Grande Halle de la Villette au budget colossal de plus de 3,5 millions d’euros, pour les célébrations du bicentenaire de sa mort, en 2021. Il avait apporté à ce parcours rétrospectif et ludique toutes les nuances nécessaires. Recontextualisé les faits, notamment le rétablissem*nt en 1802 de l’esclavage si souvent reproché au chef de guerre autoritaire mais visionnaire. Il avait accepté le débat alors que le sujet Napoléon divise et fascine toujours autant.

Découvrez l'ouvrage de Bernard Chevallier sur Joséphine, "Douce et incomparable JKoséphine"

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Lettres enflammées de Bonaparte

Joséphine était pour Bernard Chevallier un personnage unique. Elle joua un rôle majeur dans la constitution du style Empire, s’illustra par sa passion pour les voyages, la musique, les jardins et la cuisine - la Malmaison garde le souvenir de ses dîners mémorables aux menus-, déploya une vie entre l'esprit encyclopédique des Lumières et la sensibilité écorchée du romantisme. De ce personnage romanesque, il en connaissait tous les secrets. Vrai puit de science, il était intarissable d’anecdotes à son sujet.

Ce fut un bonheur de l’écouter réciter des passages des lettres enflammées que Napoléon - tellement fou d’amour, il avait songé à se suicider! - lui envoya de ses campagnes militaires. Bernard Chevallier livra une superbe édition de la Correspondance de l'impératrice Joséphine: 1782-1814 , parue en 1996. Il savait tout de ce couple légendaire, la suite après le divorce et le mariage avec Marie-Louise, les victoires et les défaites, les dessous des plans de batailles. Sans oublier les objets d’art, les souvenirs historiques tels que les chemises, les mouchoirs, les médailles, les chapeaux de l’empereur qui ont fait des records aux enchères, chez Osenat, à Fontainebleau. Rien n’a jamais échappé à son œil d’expert, capable de juger le vrai des faux, si nombreux en la matière.

D'abord tenté par l'histoire médiévale, Bernard Chevallier avait bifurqué vers les XVIIIe et XIXe siècles dont il était devenu un des grands spécialistes du mobilier et des objets d'art. Après des études d'histoire et d'histoire de l'art à la Sorbonne et l’obtention de son concours de conservateur du patrimoine en 1971, il avait successivement servi, sous la direction de Jean-Pierre Samoyault au château de Fontainebleau, dès 1980, et celle de Gérard Hubert au château de Malmaison. Sa thèse avait été consacrée à Malmaison, le domaine des origines à 1904. Après ces années de formation, il avait pris la tête du domaine de Joséphine, comme conservateur en 1989 (puis conservateur en chef, trois ans plus tard, et directeur de 1997 à 2008), pour ne plus quitter l'établissem*nt marqué par le souvenir du couple impérial. Avec sous sa responsabilité la Maison Bonaparte d'Ajaccio et le musée napoléonien de l'île d'Aix.

«Il avait contribué à la modernisation et à la visibilité de ces établissem*nts, pour lesquels il avait été commissaire d'un grand nombre d'expositions. Il avait enrichi les collections de la Malmaison et aussi sa bibliothèque», observe l’historien David Chanteranne, auteur aussi de nombreux livres sur l’histoire napoléonienne, dont le dernier, haletant, Les Douze Morts de Napoléon, en 2021.

Dans ce monde napoléonien où les historiens rivalisent de publications, Bernard Chevallier a imprimé sa marque, par ses livres à la fois savants et grand public. On ne les compte plus, de Napoléon, les lieux de pouvoir, (2004), au Style Empire, les arts décoratifs en France de 1798 à 1815 (2000), en passant par L'Art de vivre au temps de Joséphine (1998, Grand Prix de la Fondation Napoléon). Récemment, il avait encore travaillé sur les Tuileries et le château de Saint-Cloud.

Et comme Malmaison était la première institution déposante d'œuvres à la Maison de Longwood, la demeure de l’exil de Napoléon à Sainte-Hélène, Bernard Chevallier avait ardemment travaillé, avec Michel Dancoisne-Martineau, à la pérennité et à la renommée des Domaines nationaux de l’île. Il y fit mains séjours, en bateau ou en avion, depuis la création de l’aéroport, long périple qui ne lui faisait pas peur. Les restaurations des vingt dernières années lui doivent beaucoup.

Le Figaro l’avait suivi en Chine en 2015, à l’Himalayas museum de Shanghaï, en tant que commissaire del’exposition de la collection de Pierre-Jean Chalençon, grand amateur de l’Empire en proie aujourd’hui à de sérieux problèmes financiers, l’ayant obligé à vendre plusieurs de ses trésors, ces dernières années. Et peut-être son Palais Vivienne qui a été saisi pour régler sa dette mais l’affaire est en sursis. Bernard Chevallier était revenu impressionné de son voyage où l’empereur y était célébré comme un héros chinois, dans une scénographie à la Hollywood.

Bernard Chevallier était modeste devant les honneurs récompensant ses années d’inlassable travailleur. Mais il était heureux d’être entré au Conseil d'administration de la Fondation Napoléon, en janvier 2001. Il y avait siégé jusqu'en 2014, exerçant les fonctions de trésorier-adjoint (aux côtés du baron Gourgaud) et de vice-président (aux côtés de Victor-André Masséna, prince d'Essling). Il avait été le commissaire de l'exposition organisée par la Fondation en 2004 au musée Jacquemart-André et, un an plus tard, co-commissaire de celle de São Paulo. Le conseil d'administration l'avait nommé administrateur honoraire à l'issue de ses treize années de bons et loyaux services. Le monde napoléonien perd aujourd’hui un grand savant dont les travaux feront longtemps vivre la mémoire du Premier Empire.

Bernard Chevallier, historien au service de la passion Joséphine, est décédé à 80 ans (2024)

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